J’ai été exclue pour mes tweets sur le transgenrisme…
La féministe indienne Vaishnavi Sundar s’est vue retirer les projections de son dernier film.
Au cours des dernières années, des témoignages de personnes ayant été exclues, ostracisées, sont apparus sur mes réseaux. C’était un phénomène que je ne comprenais pas pleinement et dont les ramifications semblaient exagérées. Jusqu’à ce que cela m’arrive.
Lorsque j’ai été initiée au féminisme, j’ai suivi le modèle omniprésent du « choix ». Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour trouver qu’il était contraire aux droits des femmes pour lesquels les suffragettes se sont battues. Il faisait paraître l’oppression elle-même lucrative et séduisante. C’est lorsque j’ai commencé à exprimer mon opinion sur les dangers du féminisme libéral que la « cancel culture »* / culture de l’exclusion a commencé à avoir un sens pour moi. J’ai pu voir que des femmes étaient bannies pour avoir parlé contre le patriarcat.
* La cancel culture (« culture de l’annulation »), ou call-out culture (« culture de la dénonciation »), est une pratique née aux États-Unis consistant à dénoncer publiquement, en vue de leur ostracisation, les individus ou les groupes responsables d’actions ou de comportements perçus comme problématiques. Cette pratique, qui se rencontre dans le monde physique et sur les réseaux sociaux, n’est pas sans susciter la controverse. L’expression « cancel culture », qui a été traduite diversement par « culture de l’annulation », « culture du boycott », « culture de l’humiliation publique », « culture de l’interpellation », « culture de la dénonciation » décrit une forme de boycott dans laquelle la personne critiquée est également expulsée des cercles sociaux ou professionnels — sur les réseaux sociaux ou dans le monde physique ou les deux. Elle serait « annulée ». L’emploi du verbe anglais cancel dans ce contexte remonte à 2015 au moins, et son utilisation se généralise à partir de 2018. (source : wikipédia).
Je suis cinéaste, écrivaine et militante des droits des femmes. Je passe mon temps à défendre l’égalité des chances, le droit à la contraception, l’éducation et l’autonomisation des femmes et des filles. Les femmes occupent la place centrale de mon travail. Lorsque j’ai commencé à projeter dans toute l’Inde mon film sur le harcèlement sexuel au travail, j’espérais sensibiliser le public. But What Was She Wearing? (Mais qu’est-ce qu’elle portait ?) a été le premier long métrage documentaire indien sur ce sujet.
Et pourtant, j’ai rencontré une forte résistance au film de la part des gardiennes du féminisme libéral. Des femmes qui m’avaient envoyé des messages privés pour me demander faveurs et contacts professionnels, et qui me félicitaient pour le film, refusaient de me mentionner sur leurs réseaux ou de retweeter quoi que ce soit sur le film. Au début, je pensais que c’était à cause de de mon éternelle malchance ou d’un défaut dans ma personnalité.
Puis, j’ai commencé à recevoir une série de refus de la part de médias libéraux et de gauche qui avaient auparavant accepté chaque papier que j’avais envoyé. Une rédactrice a répondu qu’elle ne pouvait pas accepter mes articles car le journal manquait de personnel. Pourtant, à peu près en même temps, elle a publié trois articles d’un auteur masculin.
Le mois dernier, j’ai découvert la raison pour laquelle j’étais devenu une paria dans les bastions du féminisme libéral. Je me trouvais aux États-Unis dans le cadre d’un programme d’échange et je voulais profiter de cette occasion pour projeter mon film dans différents endroits pendant ma tournée dans le pays. Une projection était prévue à New York, organisée par le Projet Polis. Tout avait été soigneusement arrangé, des affiches avaient été conçues et j’ai même été présentée à une modératrice indienne. Mais une semaine avant la projection, l’organisatrice (également une femme d’origine indienne) m’a envoyé un e-mail. Elle me disait que l’événement serait annulé à cause de mes opinions « transphobes ».
Il y a quelque temps déjà, j’avais participé à une discussion sur Twitter sur les femmes trans en phase pré-op dans les refuges pour femmes, les prisons, les salles de bain et les salles de sport féminines. Et quelqu’un a porté les tweets en question à l’attention des organisateurs. En conséquence, le Projet Polis a jugé juste de mettre de côté la projection d’un film sur un sujet pressant qui touche les femmes de toutes les couches sociales de la société. Tout cela parce que la cinéaste estime que le sexe biologique n’est pas une construction sociale, que l’oppression des femmes fondée sur le sexe est réelle, que d’incarcérer des personnes ayant des organes génitaux masculins dans des espaces où se trouvent des victimes de la violence sexuelle masculine peut être éprouvant pour les détenues, que les maladies mentales comme l’autogynéphilie et autres dysphories peuvent causer des dommages dangereux et irrévocables, et que les théoriciens du genre effacent les femmes, un peu comme le fait le patriarcat.
J’ai grandi à Avadi, dans le sud de l’Inde. J’ai passé la plus grande partie de ma vie à travailler avec des femmes marginalisées. Mais je ne suis pas instruite de la bonne manière pour les immigré.e.s indien.ne.s de Manhattan qui épousent la théorie queer post-moderne.
J’ai depuis confronté les éditeurs des journaux qui m’ont mise sur liste noire. Il semble que des militants indiens pour les droits des trans ont cherché mon nom sur Google et ont écrit à tous les médias où j’ai été publiée pour leur parler de mes tweets de « TERF ». (Trans Exclusionary Radical Feminist).
En me rejetant, on m’a signifié essentiellement que le féminisme dont je suis issue – le féminisme de Mary Wollstonecraft, Emmeline Pankhurst et Andrea Dworkin – était excluant parce qu’il rejetait les hommes des espaces féminins non-mixtes / sûrs. Que mon intersectionnalité n’était pas assez large pour accommoder les hommes. Que mon féminisme n’acceptait pas le « choix » de vouloir servir le patriarcat. Que revendiquer la sécurité des femmes était « anti-trans », et je ne saisis toujours pas le sens de cette attaque. Je ne suis « anti » rien d’autre que les formes dérivées et sans fin de la misogynie.
Les féministes radicales comme moi ont subi une perte de leurs moyens de subsistance, ont été chahutées, exclues et bannies des plateformes parce que les organisations libérales-féministes préfèrent de loin saboter un travail féministe important plutôt que de mettre nos différences de côté et de faire preuve de solidarité pour les luttes communes qui touchent toutes les femmes. Il n’est pas étonnant que d’ardentes féministes comme Ayaan Hirsi Ali doivent se rendre dans des médias comme le Wall Street Journal ou dans des talk-shows conservateurs pour faire entendre leur voix.
Comment tant de féministes libérales peuvent-elles se qualifier de « libérales » et faire l’éloge de la pornographie, une industrie dans laquelle les femmes sont brutalisées (et souvent tuées) ? Comment pouvez-vous encourager les enfants à devenir des « drag queens » pratiquant des actes sexuels d’adultes, au nom de l’idéologie du genre ? J’aimerais qu’elles n’appellent plus cela un mouvement. C’est une secte qui vante des hommes, qui souvent ne sont même pas vraiment « queer » mais qui veulent profiter de leur « auto-identification » en tant que femme pour gagner une validation externe et pouvoir opprimer.
Au cours de mon militantisme, j’ai fait la connaissance de plusieurs personnes transgenres qui ne se font pas d’illusions sur le sexe biologique. C’est drôle de voir comment même eux sont ostracisés au sein de leur communauté pour avoir osé en parler. Un certain nombre de jeunes adultes qui ont été contraints de prendre des bloqueurs de puberté et de subir des mutilations corporelles irréversibles se sont manifestés et ont créé une communauté de dé-transitionnaires. Mais les gens sont bien trop prêts à ignorer leurs histoires horribles et à les fustiger à la place.
Je suis d’accord avec ce que JK Rowling a dit récemment – que nous devrions tous avoir la liberté d’être qui nous voulons et de l’être avec quiconque est prêt à nous aimer. Mais priver les femmes de leurs moyens de subsistance pour avoir exposé des faits biologiques est un affront au bon sens.
Les féministes libérales feraient mieux de sortir du « La-La-Land » des réseaux sociaux, de descendre de leurs tours d’ivoire pour rencontrer les femmes dans le monde réel. Qu’elles s’inspirent de la récente campagne électorale des travaillistes au Royaume-Uni, où des milliers de femmes se sont exprimées par leur bulletin de vote et ont signifié au parti travailliste, défenseur des pronoms et de la vertu, que la monnaie de cet éveil des consciences là avait au final bien peu d’achteur.se.s.
Vaishnavi Sundar est une cinéaste indépendante et une militante des droits des femmes. Elle a été interviewée par Derrick Jensen en 2020 :
Tarduction de l’article paru sur spiked.