Appel à démanteler les logiques patriarcales
Nous écrivons cet appel car nous tenons à rappeler que l’éco-féminisme radical est primordial à notre survie en tant que groupe militant, tout comme il est essentiel à notre survie en tant que femmes.
Il nous concerne toutes et tous. Sans la pensée novatrice qu’il apporte sur les rapports sociaux et écologiques, la lutte contre la civilisation reste vaine puisqu’elle ne s’attaque pas au véritable cœur du problème : la domination masculine sur les femmes, les enfants, les non humains et les écosystèmes, considéré.e.s comme des ressources exploitables.
Ceux qui soutiennent que l’éco-féminisme radical n’est pas viable, qui le considèrent comme secondaire, ou comme un centre d’intérêt réservé aux femmes, n’ont pas compris les fondements philosophiques profonds de la bataille que nous devons mener.
Les hommes sont concernés par la lutte éco-féministe. Ils doivent s’y intéresser tout autant, si ce n’est plus que les femmes, car ils ne connaîtront jamais la réalité d’être née femme dans une société pensée par et pour les hommes. Être membre de DGR implique d’avoir un regard critique sur son investissement personnel en faveur de la libération des femmes puisqu’elle est intrinsèquement liée avec la lutte contre l’écocide.
Aussi, nous rappelons qu’une GED ne sera possible que dans un groupe où les membres peuvent se faire pleine et entière confiance, où les rapports de sexe sont équitables. Ce que nous créons aujourd’hui, que ce soit de notre vivant ou pour les générations à venir, sera indispensable pour toutes les résistances futures.
Nous savons que les conflits sont régis par la violence masculine la plus atroce pour les femmes : viols de guerre, tortures, esclavage sexuel…. Dès lors, alors même que nous assistons à la genèse de notre organisation, nous devons instaurer une quête d’exemplarité : sans l’exemplarité morale de tous les « soldats », pas de juste combat. Il est temps que nous apprenions des résistances passées pour détruire le héros, ce mythe fantasmé par les hommes dans chaque lutte qui ne fera que reproduire une domination mortifère.
Enfin, il faut que vous compreniez que la violence masculine exercée contre les femmes est une réalité concrète aux répercussions bien réelles. En France, un homme viole une femme toutes les sept minutes. Un homme tue sa compagne ou son ex-compagne tous les trois jours environ. Dans les rues, les hommes nous suivent, nous harcèlent, nous humilient, nous agressent. Au travail, les hommes nous discréditent, nous dévalorisent, nous précarisent; ils instaurent des rapports de force pour obtenir des faveurs dégradantes.
Dans nos foyers, les hommes nous frappent, nous détruisent psychologiquement ou nous épuisent émotionnellement. Posez donc la question suivante à un groupe de femmes, n’importe lequel : « Qui parmi vous n’a jamais subi au cours de sa vie une seule remarque sexiste, une seule humiliation liée à son sexe ? » Pas une ne vous répondra par la négative. C’est cette réalité, ce monde que nous voulons changer. Cette violence provient de votre classe de sexe, la classe des hommes : elle vous concerne. Vous devez questionner vos comportements. Vous devez agir.
- Les temps de parole : de la même manière que les femmes travaillent sans cesse sur leur propre déconstruction pour s’autoriser à prendre la parole et se délier des mécanismes de soumission qui leur sont inculqués depuis leur plus jeune âge, nous demandons aux hommes de faire des efforts d’écoute et d’attention. Ainsi, soyez attentifs à ne pas monopoliser la parole. Arrêtez de vous écoutez penser. Ne coupez pas la parole à vos interlocutrices. Ne les sous-estimez pas mais accordez-leur plutôt de l’intérêt, comme l’intérêt que vous portez aux interventions masculines. Observez votre environnement et les femmes du groupe. Ressentez le langage corporel des membres et membresses du groupe. Développez votre care.
- Légitimez la parole des femmes : souvent (pour ne pas dire tout le temps), on prête plus de force, de crédit et de sens aux mots exprimés par les hommes. Souvent aussi,on reproche aux femmes de se placer sur le terrain de l’émotion. Si nous parlons avec colère ou avec engouement, si nos démonstrations s’inspirent d’abord de nos vécus, nos paroles et argumentations n’en sont pas pour autant irrationnelles. Nous rappelons que l’injonction à la démonstration froide et rationnelle est un instrument de domination masculine, qui n’a d’ailleurs bien souvent que la prétention de la rationalité. Notre parole mérite aussi d’être valorisée et considérée.
- Ne vous appropriez pas les mots, les idées et le travail des femmes. C’est laid.
- Légitimez l’action du groupe non mixte et comprenez-la : acceptez que le processus de décision au sein de la lutte éco-féministe radicale soit contrôlé exclusivement par des femmes. Le groupe non mixte n’est pas négociable. Il existe à la fois pour amener les femmes dans des luttes bien trop masculines et pour permettre à celles qui, ayant trop souffert de la domination masculine pour militer aux côtés d’hommes, désirent lutter dans un endroit où elles se sentent en sécurité. Lutter en non-mixité, c’est aussi lutter dans un espace à soi. Observez donc les espaces publics : ils n’appartiennent pas aux femmes, et elles n’y sont pas protégées. Ce groupe, dont la gestion est tout aussi primordiale que chronophage, sert donc la propagation de la culture de résistance. Il est aussi essentiel pour l’imaginaire de notre collectif. Sans les femmes vous n’inventerez rien de nouveau. Faites-nous confiance.
- Ne nous assignez pas un rôle unique : les femmes ne sont pas seulement investies par l’éco-féminisme radical. L’éco-féminisme radical se retrouve certes au fondement de la critique de la civilisation industrielle et du système patriarcapitaliste, mais nous avons également des pensées plus «spécialisées» : nous avons aussi des connaissances sur l’anarchisme, la technologie, le bio-centrisme, etc. Nous sommes cependant accaparées par et désignées pour parler d’éco-féminisme radical uniquement. Nous demandons que cela soit rééquilibré, que notre parole soit écoutée aussi sur d’autres sujets. Nous refusons ainsi d’être la caution éco-féministe radicale de DGR : elle repose plutôt dans vos actes.
- Ne reproduisez pas les schémas patriarcaux de répartition des tâches : nous remarquons (et pas que nous, des sociologues aussi) que les femmes sont toujours amenées à effectuer le travail essentiel mais si peu valorisé de « fonctionnement » des organisations. Nous ne sommes pas vos secrétaires. Vous avez une idée ? Proposez-la et mettez-la en place plutôt que de la proposer et de demander aux femmes d’en disposer. Écrivez les compte-rendus de nos rencontres, demandez à d’autres hommes de vous seconder.
- Prenez la responsabilité au sein de DGR comme dans vos vies personnelles de ne laisser passer aucun propos ou comportement sexiste ou antiféministe. Faites front en notre nom ou à nos côtés quand vous observez le comportement problématique d’un autre homme au sein du groupe. Défendez la pensée éco-féministe radicale. Le travail de pédagogie n’est pas l’apanage exclusif des femmes. Et surtout n’oubliez pas : ne pas prendre position, c’est déjà prendre position
- Arrêtez de consommer de la pornographie/prostitution : soignez vos addictions et dépendances, allez consulter. Parlez à vos amis, collègues, proches et autres hommes de la violence de la pornographie et de la prostitution pour les inciter eux aussi à arrêter d’en consommer. Renseignez-vous et renseignez-les.
- Communiquez. Il est nécessaire de créer pour l’avenir et la pérennité de notre organisation un cercle vertueux où il est normal d’être dans la bienveillance et l’équité. Pour y parvenir, nous n’avons pas d’autre choix que de communiquer. N’hésitez donc pas à venir parler individuellement aux femmes et leur demander comment elles se sentent. Le soutien émotionnel dont vous pouvez témoigner est très précieux et nous devons faire face à beaucoup d’attaques. Parlez-nous également des problèmes que vous rencontrez. Nous savons faire la différence entre maladresse et comportement déplacé. Nous comprenons également combien cela prend du temps de se déconstruire. Mais il s’agit aussi de pouvoir parler de vos problèmes émotionnels avec d’autres hommes, les femmes ne sont pas les seules à pouvoir démontrer de l’empathie et elles ont déjà une charge émotionnelle/mentale très grande.
- Vous intéressez-vous aux femmes ? Contemplez votre bibliothèque : combien d’auteurs…pour combien d’autrices ? Combien de compositrices, musiciennes, peinteresses, photographes, architectes, scientifiques, philosophesses, réalisatrices…connaissez-vous ? Comprenez à quel point l’ensemble de ce qui nous entoure est imprégné de la domination culturelle masculine -des noms de rues à nos références idéologiques… Déconstruisez l’histoire qu’on vous inculque : dans cette histoire, vous ne trouverez pas de femmes. Et pourtant, elles ont été prolifiques. Il est temps que vous sondiez les profondeurs de votre ignorance en culture féminine et féministe. Découvrez notre matrimoine ! Contribuez à le propager : cherchez, lisez, commentez, partagez les travaux, les œuvres et les pensées de femmes.
- Et votre amie : son petit copain a l’air douteux. Savez-vous reconnaître ses comportements toxiques ? Les emprises psychologiques ? Les violences conjugales ? Savez-vous orienter des femmes en situation précaire et dangereuse vers les bonnes organisations ?
Cette liste n’est pas exhaustive, ne limitez pas vos efforts, soyez libres.
Les femmes de DGR France.