Établis par le groupe des hommes alliés de Deep Green Resistance, à l’aide de conseils formulés par le caucus des femmes.
Introduction
En tant que classe, les hommes ont développé un système de pouvoir profondément enraciné appelé patriarcat — ou phallocratie — qui naturalise l’exploitation du corps des femmes, de leur travail, de leur temps, de leurs enfants, et ainsi de suite. Le patriarcat est un système imbriqué de structures sociales, économiques, politiques, juridiques et culturelles conçues pour opprimer les femmes au profit des hommes. Ce système confère aux hommes des privilèges dans tous les aspects de notre vie ; nous en sommes les bénéficiaires directs. Et conditionnés comme nous le sommes, nous en arrivons souvent à considérer ces privilèges comme des droits naturels.
C’est pourquoi il n’est pas suffisant que nous nous contentions d’être des « mecs bien ». Que nous nous abstenions personnellement d’exploiter les femmes. Il n’est pas suffisant que nous soyons personnellement consciencieux et respectueux des femmes. Il n’est pas suffisant que nous respections l’égalité dans nos propres relations avec les femmes. Si toutes ces choses sont importantes, nous abstenir personnellement de tout comportement oppressif ne constitue pas une menace pour le patriarcat en tant que système de pouvoir. La décence élémentaire exige que nous travaillions aux côtés des femmes en vue de déraciner et de démanteler l’ensemble de ce système patriarcal — en nous-mêmes, dans nos groupes et nos communautés, et aussi, bien entendu, en nous attaquant aux institutions sociales dominantes.
Les principes directeurs suivants visent à encourager les hommes de DGR à modifier leur comportement et à mieux s’allier aux femmes. En tant que militants masculins, nous avons été socialisés dans une culture de domination et sommes susceptibles de participer à la reproduction du patriarcat.
Rappelez-vous : être un allié constitue un processus continu plutôt qu’un titre que l’on gagne ; ce qualificatif ne peut être attribué que par les femmes, qui détermineront, en évaluant les actions et comportements quotidiens d’un homme, à quel point il est — ou non — un allié.
Principes directeurs
- Apprenez à vous taire, à vous retenir, à vous réfréner, à être humble et à écouter la voix des femmes. Soyez conscient des manières subtiles dont vous pourriez dévaloriser les femmes ou les traiter injustement.
- Écoutez ce que disent les femmes, individuellement. Tâchez de comprendre ce qu’elles expriment et répondez-leur de manière appropriée. Rappelez-vous que respecter les femmes n’implique pas de faire semblant d’approuver tout ce qu’elles disent quitte à approuver des choses avec lesquelles vous n’êtes en réalité pas d’accord. Soyez honnêtes et courtois.
- Nous devons suivre les orientations déterminées par les femmes, donner la priorité aux questions qu’elles soulèvent ou qui les concernent. Le genre de société dans lequel nous voulons vivre sera centré sur les femmes : nous devons nous engager dans cette direction nous-mêmes. Cela implique de prioriser la présence de femmes aux postes de direction et d’encourager la formation de femmes dirigeantes. Cela implique de réaliser comment, au sein du patriarcat, les femmes dirigeantes sont objectifiées et silencées, et de ne jamais tolérer ce genre de pratique.
- Il est inapproprié pour nous de nous exprimer comme si nous étions des autorités ou des experts en ce qui concerne les choses que les femmes vivent directement. En tant qu’hommes, nous ne comprenons pas et ne pouvons pas comprendre ces expériences. Nous ne pouvons intervenir sur de tels sujets qu’après les femmes ou si elles nous le demandent, et jamais de notre propre point de vue.
- Nous devons examiner notre propre comportement afin d’y déceler de potentiels relents patriarcaux, comme des tendances à accaparer la parole, à réduire les femmes au silence ou à les dévaloriser, ou comme l’usage d’un vocabulaire patriarcal (discours de haine, plaisanteries basées sur l’humiliation et la dégradation des femmes, ou encore généralités masculines, par exemple « les hommes » au lieu de « les humains », « tous » au lieu de « toutes et tous », « homicide » au lieu de « fémicide », etc.).
- Ne consommez pas de pornographie et ne recourez jamais à l’achat d’actes sexuels. Affranchissez votre sexualité des structures capitalistes patriarcales qui exploitent les femmes. Faites entendre votre voix contre l’industrie de l’exploitation sexuelle.
- Remettez en question les prérogatives masculines. Les femmes ne doivent rien aux hommes, pas même un sourire, une conversation, un câlin, une relation ou une intimité quelconque. Les hommes n’ont aucun droit d’occuper l’espace au détriment du confort ou des limites personnelles des femmes.
- Défiez le comportement sexiste de vos amis, de votre famille, de vos associés et de vos alliés politiques. Coupez les ponts avec les hommes qui continuent à encourager ou à pratiquer le sexisme. Nous ne devons pas attendre que l’on nous demande de dénoncer les comportements patriarcaux des hommes ; il s’agit de notre responsabilité élémentaire.
- Le comportement de « mecsplicateur » n’est pas toléré. Le « mecsplicateur », c’est celui qui tient un discours masculin arrogant, condescendant ou qui, d’une manière ou d’une autre, prend les femmes de haut ou tente de placer l’homme sur un piédestal. C’est aussi celui qui se permet d’expliquer aux femmes ce qu’elles sont les premières à savoir, qui reprend les femmes sur tout ce qu’elles disent en s’imaginant l’expliquer mieux.
- Bien que le patriarcat puisse nuire aux hommes à certains égards, ses cibles sont les femmes. Aussi, si nous pouvons nous sentir blessés par la masculinité, nous ne sommes pas ceux qu’elle cherche à opprimer.
- Nous devons nous familiariser avec la situation et les problèmes que connaissent les femmes, avec les questions féministes, ainsi qu’avec la théorie et l’histoire du féminisme. Nous ne devons certainement pas attendre que l’on nous serve la perspective féministe à la petite cuillère ou que quelqu’un prenne en charge notre éducation en la matière.
- Dans la culture dominante, les hommes sont les principaux responsables des violences commises et du harcèlement. De nombreuses femmes sont des survivantes de cette violence — des études estiment que près d’un tiers de toutes les femmes ont été agressées sexuellement ou battues par des hommes, et de nombreuses femmes soutiennent qu’il s’agit de sous-estimations. Aucune femme ne devrait donc supposer, par défaut, qu’un homme ne présente aucun danger pour elle.
- Nous ne sommes pas là pour sauver ou secourir les femmes. Nous ne sommes pas ici pour être des héros. Nous ne sommes pas ici pour protéger les femmes ; les femmes peuvent se protéger elles-mêmes. Notre travail ne consiste pas à protéger les femmes, mais à respecter leurs souhaits et à travailler en solidarité avec elles afin de démanteler le patriarcat. En nous attribuant nous-mêmes de tels rôles à l’encontre de la volonté des femmes concernées dans une situation donnée, nous leur manquons de respect.
- Les principes directeurs établis ci-dessus constituent un socle de référence pour un comportement acceptable. Les suivre n’a rien d’exceptionnel et n’appelle aucune récompense. Inversement, choisir d’ignorer les comportements sexistes sera considéré comme un acte de collaboration avec la phallocratie (« domination sociale, culturelle, symbolique exercée par les hommes sur les femmes »).