La Guérilla Écologique Décisive
La Guérilla Écologique Décisive (GED) est la stratégie d’un mouvement qui a trop longtemps été sur la défensive. C’est le cri de guerre de personnes qui refusent de perdre une bataille de plus, le dernier ressort d’un mouvement isolé et las de ne jamais voir la fin des batailles légales et des blocus.
La stratégie GED procède de stratégies militaires, de tactiques de rebellion, d’analyse des mouvements de résistances historiques, d’insurrection, et de libération nationale. Les principes planifiés dans ces pages reprennent les principes solides d’une guerre asymétrique, où l’un des camps est infiniment plus puissant que l’autre. Si d’autres combats furent asymétriques, celui-ci l’est d’autant plus qu’il concerne la vie et la mort de nombreuses espèces sur l’ensemble de la planète.
Les stratégies et tactiques expliquées dans la GED ont été enseignées à des officiers militaires dans des lieux tels que la Military Academy à West Point pour une simple raison : elles sont extrêmement efficaces.
Lors de son procès en Afrique du Sud en 1964 pour ses actions contre le régime de l’apartheid, Nelson Mandela a déclaré : « Je ne nie pas avoir planifié des actes de sabotage. Mais je ne les ai pas planifiés dans un esprit de témérité, ni par amour de la violence. Je les ai planifiés après avoir constaté calmement et sobrement la situation politique qui se présentait après beaucoup d’années de tyrannie, d’exploitation et d’oppression de mon peuple par les Blancs. »
Nous vous invitons à lire cette stratégie, et à entreprendre cette même constatation calme et sobre de la situation qui nous fait face. Le temps nous est compté.
Les quatre phases de la Guérilla Écologique Décisive
Phase I : Mise en contact et mobilisation
Préambule
Dans la phase une, les résistants se concentrent sur l’organisation de réseaux et la construction d’une culture de résistance pour maintenir ces réseaux. La clé de cette phase consiste à former deux types d’organisations, celles à ciel ouvert et les organisations clandestines (ou au moins un noyau) qui vont effectuer un recrutement organisé et planifier des actions décisives. Beaucoup de sympathisants ou de potentielles recrues ne sont pas familiers avec les stratégies et les actions sérieuses de résistance, et n’ont pas de culture de résistance, de sécurité et une culture politique. C’est pourquoi il faudra veiller tout particulièrement à éviter les erreurs inutiles et les imprudences qui conduiraient à des arrestations, et dissuader les informateurs de collecter et transmettre les informations.
La formation des militants est la clé de cette phase, particulièrement avec des actions peu risquées (mais efficaces). Les nouvelles recrues deviendront les combattants, manageurs, et meneurs des phases ultérieures. Les nouveaux activistes, initiés à la philosophie de la résistance par les activistes confirmés, les influenceront en retour pour ne pas tourner mal ou ne pas prendre de mauvaises habitudes. À ce stade, le mouvement de résistance s’organise et devient sérieux. Les personnes mettent alors leurs besoins et conflits personnels de côté afin de former un mouvement qui peut combattre pour gagner.
Dans cette phase, les personnes isolées se rencontrent pour former une vision et une stratégie pour l’avenir, et établissent le noyau de la future organisation. Bien sûr, le réseau se met en place avec des mouvements de résistance qui existent déjà, mais la plupart des organisations ne sont pas prêtes à adopter une position militante ou intransigeante à l’égard de ceux qui sont au pouvoir ou des crises auxquelles nous devons faire face. Si possible, elles devraient être encouragées à prendre des positions plus adéquates vu l’ampleur des problèmes.
Cette phase est déjà en cours, mais beaucoup de travail reste à faire.
Objectifs
- Construire une culture de résistance, avec tout son héritage, notamment politique.
- Construire des réseaux de résistance à ciel ouvert et en souterrain, et assurer la survie de ces réseaux.
- Déconstruire l’univers souvent trop masculin des luttes. De tous temps l’implication des femmes a été essentielle dans les combats vers plus de libertés et d’émancipation.
Opérations
- Les opérations sont généralement des actions peu risquées, afin que les personnes puissent être entraînées, suivies, et qu’elles puissent soutenir le réseau mis en place.
- Les formations et les recrutements sont très importants à ce stade. Plus les personnes sont recrutées tôt, plus grande est la confiance qu’on peut avoir en elles et plus nous avons du temps pour évaluer leurs compétences en vue d’actions plus sérieuses.
- Les opérations de communication et de propagande sont aussi requises pour sensibiliser et diffuser l’information sur les tactiques et stratégies utiles, et sur la nécessité d’organiser des actions.
Organisation
- Dans ce scénario, la plupart des organisations de résistance sont encore des réseaux diffus, imprécis, mais ils commencent à s’étendre et à s’unir. Cette phase vise à construire l’organisation.
Phase II – Sabotage et action asymétrique
Préambule
Dans cette phase, les résistants pourraient tenter de perturber ou de mettre hors d’action des cibles en saisissant certaines opportunités. Il est nécessaire de mettre en place des réseaux souterrains et des compétences qui n’existent pas encore pour atteindre un plus grand nombre de cibles. Les résistants peuvent viser des cibles particulièrement flagrantes, comme des centrales à charbon ou des banques. Pendant cette phase, la résistance doit se focaliser sur ses pratiques, sonder les réseaux ennemis et leurs sécurités, et accroître le soutien pendant la construction de réseaux organisés. Dans ce futur possible, les cellules souterraines ne tentent pas de provoquer une répression plus puissante que ne l’est la capacité à y faire face des réseaux naissants. Par ailleurs, si de sérieuses répressions ont lieu et que le recul est nécessaire, les résistants se retirent vers la première phase qui met l’accent sur l’organisation et la survie. En effet, un grand nombre de reculs sont à prévoir à cette phase, indiquant un manque de règles basiques, de structures et de signaux clairs, ainsi que la nécessité de se rabattre sur quelques-unes des priorités de la première phase.
Dans les deux premières phases on n’insiste pas sur les actions directes, non pas parce que les résistants se retiennent, mais parce qu’ils travaillent du mieux qu’ils peuvent en mettant un pied devant l’autre. Ils comprennent que ce n’est pas en agissant imprudemment et hâtivement ou en créant des problèmes auxquels ils ne sont pas préparés, que cela rendra service à la planète. Cela conduirait uniquement à une baisse de morale et des déceptions. Ainsi le mouvement agit de manière aussi sérieuse, rapide et décisive que possible, mais fait en sorte de conserver les bases dont il a besoin pour être vraiment efficace.
Plus il y a de personnes qui rejoignent le mouvement, plus elles travaillent dur et plus elles sont entraînées, plus vite elles peuvent passer d’une phase à l’autre.
Dans ce futur alternatif, les activistes, notamment à ciel ouvert, s’engagent dans plusieurs tâches importantes, faisant progresser l’acceptation et la normalisation de militants de plus en plus nombreux et de tactiques plus radicales. Ils soutiennent verbalement le sabotage quand il se produit. Des groupes de défense plus modérés utilisent les événements de sabotage pour critiquer ceux qui sont au pouvoir d’avoir échoué à mettre en place des mesures face aux questions cruciales comme le changement climatique (plutôt que de critiquer les saboteurs). Ils soutiennent que le sabotage n’aurait pas à avoir lieu si la société civile donnait une réponse raisonnable aux problèmes sociaux et écologiques, et profitent de ses répercussions médiatiques pour apporter des solutions aux problèmes. Ils ne s’allient pas à ceux qui sont au pouvoir contre les saboteurs, mais soutiennent que la situation est assez sérieuse pour en venir à ces actions légitimes, alors même qu’ils ont personnellement choisi un parcours différent.
À ce stade là du scénario, davantage de groupes de base et de radicaux continuent à établir une communauté de résistance, mais fondent aussi des organisations discrètes et des institutions parallèles. Ces institutions construisent elles-mêmes leur légitimité, mettant en relation les communautés, et prenant des mesures pour nouer des relations en dehors de la « bulle activiste » traditionnelle. Ces institutions sont aussi focalisées sur l’urgence, le désastre qui se prépare, et le fait d’aider les populations à faire face à l’effondrement imminent.
Simultanément, les activistes à visage découvert coordonnent les personnes pour la désobéissance civile, la confrontation de masse et d’autres formes d’actions directes appropriées.
Quelque chose d’autre commence à arriver : les organisations à visage découvert établissent des coalitions, des confédérations, et des réseaux régionaux. Ces confédérations maximisent le potentiel de l’organisation à visage découvert par le partage des connaissances, des compétences, des matériaux, des programmes d’apprentissage, etc. Elles prévoient aussi d’améliorer leur stratégie, et de s’engager dans des campagnes persistantes et planifiées au lieu de se contenter d’une organisation réactive ou qui aurait pour mot d’ordre « œil pour œil »…
Objectifs
- Identifier les cibles individuelles prioritaires et s’engager. Ces cibles sont choisies notamment parce qu’elles sont plus réalistes, mais d’autres critères de sélection entrent en compte.
- Fournir un entraînement et une expérience réelle du monde aux responsables du mouvement pour atteindre les gros objectifs et les grosses structures. Les actions ont une portée et un impact limités dans cette phase, même si un bon choix du timing et des cibles permet des gains significatifs.
- Ces opérations révèlent aussi les points faibles du système politique et économique et démontrent la possibilité matérielle de résister, ce qui inspire à leur tour d’autres résistants.
- Justifier publiquement la résistance matérielle et la confrontation avec le pouvoir.
- Construire des organisations concrètes à visage découvert et des institutions parallèles.
Opérations
- Des opérations décisives, limitées mais de plus en plus nombreuses, combinées à des opérations plus durables (comme le soutien à des organisations qui nécessitent un appui logistique plus important).
- Dans les opérations de soutien décisif, les résistants sont prudents et intelligents. Les responsables nouveaux et inexpérimentés, qui ont tendance à vouloir prouver leur courage, choisissent uniquement les opérations avec des résultats garantis, car ils savent qu’à ce stade il y aura toujours de plus grandes actions à venir.
Organisation
- L’organisation a besoin de cellules clandestines, mais bénéficie déjà de plus grands réseaux souterrains. À ce stade, le recrutement s’accroît.
- Les mouvements et réseaux à visage découvert prolifèrent autant que possible, surtout que le travail à venir requiert du temps pour développer les compétences et les communautés.
- Il faudra déjà s’attendre à des persécutions policières et judiciaires, mais aussi à toute forme de condamnations brutales et stupides provenant des « commentateurs » et « experts » qui monopolisent le temps d’antenne des médias diffusant en permanence leur propagande.
Phase III – Perturbation des systèmes
Préambule
Dans cette phase, les résistants se libèrent des objectifs individuels pour s’adresser aux systèmes industriels, politiques et économiques dans leur entier. Ces plus grands réseaux émergent des précédentes phases avec la possibilité de porter plusieurs actions simultanées.
La perturbation des systèmes vise à identifier les points clés et les failles dans les systèmes adverses (électrique, transport, finance, etc.) et les amener à s’effondrer ou réduire leur fonctionnalité. Cela ne peut être fait en une fois. Ces systèmes industriels sont énormes et peuvent être fragiles, mais sont ramifiés plutôt que compacts. Des repérages sont effectués. La perturbation efficace des systèmes nécessite un programme pour des actions continues et coordonnées à travers le temps.
Pendant que les systèmes économiques et industriels mondiaux sont perturbés de façon croissante (à cause de la chute des systèmes économiques capitalistes, désastres naturels, hausse du prix du pétrole, des sols, de l’eau, ou d’autres raisons), le développement des communautés locales augmente. Elles démontrent leur résilience notamment grâce à la nourriture locale, l’énergie locale, et à des moyens de gouvernance basés sur l’entraide, la démocratie directe, le municipalisme (Bookchin) ou autres.
Les organisations et les institutions à ciel ouvert sont bien établies et leurs militants devenus suffisamment expérimentés pour continuent à informer, à dénoncer les injustices d’un système dominateur et destructeur qui utilisera d’autant plus la violence qu’il sera aux abois. Les activistes à visage découvert sont les combattants de front contre l’autoritarisme. Ceux sont les seuls qui peuvent mobiliser une vague populaire, indispensable pour empêcher l’émergence de nouvelles formes de fascisme.
Il s’agit aussi, pour les activistes à visage découvert de contribuer à renforcer les communautés locales et les institutions parallèles, chacun étant encouragé à apporter son soutien à des alternatives de production locale dans les sphères économiques, politiques et sociales. Les résistants à ciel ouvert appellent les gens à retirer leur soutien au pouvoir capitaliste qui va devenir de plus en plus autoritaire et à le transférer vers des corps politiques locaux et véritablement démocratiques. Ces institutions parallèles à taille humaine, débarrassées des lobbys, et d’un fonctionnement corrompu basé sur une hiérarchisation verticale qui n’a rien de démocratique vont démontrer que d’autres modalités de vie sont possibles qui intègrent les espaces naturels et les êtres non humains dans un ensemble plus vaste et plus respectueux.
Tout au long de ces phases, des efforts stratégiques sont faits pour augmenter les contraintes existant sur les systèmes économiques et industriels. La Résistance active ne fait que fragiliser davantage un bâtiment laid, délabré et inutile (la civilisation industrielle) qui a déjà commencé à se désagréger. Même si les systèmes industriels et économiques principaux ne se sont pas complètement effondrés, des perturbations prolongées signifient une réduction de l’impact écologique. Une chute de 50% de la consommation industrielle ou de l’émission de gaz à effet de serre serait une énorme victoire pour l’ensemble des espèces peuplant la planète.
Objectifs
- Cibler les points stratégiques de ces systèmes industriels spécifiques et économiques pour les perturber et les désactiver.
- Provoquer une décroissance notable des activités et de la consommation industrielle.
- Encourager l’émergence de nouvelles modalités sociales, négociations et changements sociaux lorsque ceux-ci s’écartent de l’autoritarisme, de la centralisation à partir de pôle urbains, de la hiérarchisation basée sur l’arrogance et le mépris de caste.
- Promouvoir le changement d’échelle grâce à l’archipellisation des communautés humaines, tout en permettant aux milieux naturels et aux espèces vivantes de se reconstituer
- Procéder à l’effondrement de compagnies, d’industries ou de systèmes économiques particuliers.
Opérations
- De plus en plus décisives pour perturber le système industriel et financier. Les responsables et combattants devraient être de plus en plus aguerris lors de cette phase, mais réaliser des actions sérieuses et décisives signifie une prise de risque élevée chez les résistants. Il ne sert a rien d’être vague : dans ce futur alternatif, les membres de la résistance devront être conscients qu’ils risquent de finir soit en prison, soit morts (comme de nombreux militants écologistes sud-américains ou ailleurs, qui risquent courageusement leur vie pour sauver ce qui peux encore l’être).
Organisation
- Une utilisation intense des réseaux souterrains est requise; une coordination opérationnelle est un prérequis pour une perturbation efficace du système.
- Les organisations à ciel ouvert sont capables de mobiliser à grande échelle en profitant des différentes crises sociales, politiques et matérielles.
- Les résistants seront durement visés par les forces répressives, que les militants agissent à visage découvert (ils sont plus faciles à identifier) ou dans la clandestinité.
Phase IV – Démantèlement décisif de l’infrastructure
Préambule
Le démantèlement décisif de l’infrastructure va au-delà de la perturbation des systèmes. L’intention est de démanteler autant que possible l’infrastructure industrielle basée sur les énergies fossiles et un extractivisme forcené qui ravage les milieux naturels. L’option optimiste de ce scénario implique que les crises et perturbations convergentes contre la civilisation industrielle et le capitalisme devraient être combinées avec un énergique mouvement à ciel ouvert pour forcer les dirigeants à accepter des changements sociaux, politiques et économiques radicaux. La disparition du consumérisme et du capitalisme entraînera en parallèle la solidification de la transition vers une culture et un mode de vie durable.
Mais cette projection optimiste reste peu probable. Ce qui risque plutôt de se passer, c’est que ceux qui tiennent le pouvoir (et beaucoup de gens ordinaires) s’accrocheront à la civilisation alors même qu’elle disparait. Et probablement, ils soutiendront l’autoritarisme s’ils pensent que cela pourra permettre de maintenir leurs privilèges et leurs « droits ».
La question essentielle – sur laquelle nous revenons encore et encore – c’est le temps. Nous allons bientôt atteindre, (si ce n’est pas déjà fait) le point de déclenchement de l’emballement irréversible du réchauffement de la planète, et une extinction massive des espèces vivantes et des milieux naturels. La phase de perturbation des systèmes de ce scénario hypothétique offre plusieurs alternatives. Les perturbations de ce scénario sont pensées pour avoir de l’impact sur les industries et tenter de minimiser le contrecoup sur l’humanité. Mais nous savons que le système industriel et tous ceux qui ont intérêt à ce qu’il perdure jusqu’à sa propre fin vont employer tous les moyens possibles et imaginables, y compris le force la plus brutale, pour continuer à leurs privilèges de survivre. Le conflit, auparavant asymétrique, connaîtra un changement d’échelle et deviendra plus frontal durant cette phase. Sur un plan opérationnel, des actions coordonnées pour perturber à grande échelle les systèmes industriels seront organisées.
Il est important de ne pas mal interpréter ce point de la phase IV de ce scénario d’un futur alternatif. Le but n’est pas de causer des victimes humaines. Le but est d’arrêter la destruction de la planète. L’ennemi n’est pas la population civile – ou n’importe quelle population – mais un système économique socio-pathologique et profondément mortifère. La destruction de la planète est activement mise en œuvre par les industries et le capitalisme. Le but de cette phase consiste donc à réduire les dégâts causés par la civilisation industrielle aussi vite que possible.
Objectifs
- Démanteler l’infrastructure physique et cruciale nécessaire au fonctionnement de la civilisation industrielle.
- Provoquer l’effondrement industriel général, au-delà du système économique et politique.
- Utiliser les actions continues et coordonnées pour entraver les réparations et le remplacement.
Opérations
- Se concentrer principalement sur des actions opérationnelles décisives.
Organisation
- Requiert des réseaux clandestins bien développés de militants et militantes.
Note : Alors que le mouvement de résistance s’organisera selon différentes phases et parties, l’organisation DGR est, sera toujours et s’est engagée à être seulement un groupe à visage découvert.
Mention légale
Cette stratégie est le fruit d’une réflexion intellectuelle et humaine, mais il ne s’agit bien-sûr en aucun cas d’un appel à l’action. Tout le contenu présenté ici s’inscrit dans un exercice de pensée virtuel et fantaisiste qui ne vise en aucun cas à faire l’apologie ni à inciter aux actions décrites, qu’elles soient passées, présentes, ou futures.