Pour de nombreuses personnes, il est courant d’espérer que les nouvelles technologies, plus efficientes, plus « vertes », permettront de résoudre le problème écologique actuel ; en réalité ça n’est jamais le cas.
Les nouvelles technologies sont présentées par les institutions, les gouvernements, les médias comme plus efficaces, moins polluantes, moins gourmandes en énergie, recyclables. La technologie est source d’amélioration de la qualité de vie, d’un avenir enviable dans un cadre naturel préservé, en harmonie avec notre environnement. Finalement, la technologie nous apporte le bonheur.
Rien n’est plus faux.
Tout d’abord parce que les industriels ont toujours besoin de nouveaux débouchés économiques, et l’innovation technologique permet de fabriquer de nouvelles machines, d’engendrer de nouveaux produits et de nouveaux désirs.
Ensuite parce qu’une majorité de nouvelles technologies ne remplacent pas les anciennes, elles s’y ajoutent :
- Les trottinettes électriques, censées remplacer les voitures, viennent en réalité se substituer aux déplacements piétons et augmentent la circulation motorisée existante.
- Les LED, une nouvelle génération d’ampoules, consomment moins d’électricité que leurs équivalents mais doivent être accompagnées d’un dispositif électronique polluant et peuvent perturber le cycle du sommeil. Les économies d’électricité des LED permettent l’explosion des éclairages dits « intelligents » et connectés, la multiplication des panneaux lumineux ultra-plats. (1)
- L’Espagne, entre 1998 et 2008, a multiplié par 80 sa production d’énergie éolienne. Durant la même période, la production électrique totale espagnole a été multipliée par deux. En d’autres termes, l’Espagne a augmenté sa dépendance au pétrole durant cette période.
- La production de déchets électroniques devrait croître de 30% par an au-delà de 2020, soit deux fois plus rapidement qu’aujourd’hui.
Par ailleurs que deviennent les indéniables gains en efficacité énergétique ? Ils sont utilisés pour consommer toujours plus d’énergie. En règle générale les gains de productivité énergétique ou industriels non seulement ne font pas diminuer la consommation mais on constate au contraire une augmentation. Dès 1865, l’économiste William Stanley Jevons constatait que les économies d’énergie réalisées grâce au moteur à vapeur conduisaient à une augmentation de la consommation de charbon du fait de la généralisation de ces machines. Le paradoxe de Jevons a été repris dans les années 1980 par le postulat Khazzoom-Brookes qui observe que les améliorations de l’efficacité énergétique entraine une consommation toujours grandissante d’énergie (2)
Toutes les technologies ont besoin de matières premières et d’énergie. Tant que les matières premières et les différentes sources d’énergie étaient abondantes et peu coûteuses, elles furent utilisées sans jamais se poser la question de leur finitude. Dès lors que l’on prit conscience que ces ressources n’étaient non seulement pas renouvelables mais également de plus en plus difficiles à trouver, ce qui avait pour effet d’augmenter le coût de production, les industriels mais aussi les consommateurs commencèrent à vouloir trouver des solutions plus « durables ». C’est-à-dire que les profits (pour les industriels), et un mode de vie confortable (pour les classes moyennes et « supérieures ») devaient absolument perdurer. Les technologies dites « vertes » et « renouvelables » ont été inventées et sont soudain devenues nécessaires, car elles sont censées utiliser moins d’énergie, moins de matières premières, et sont pour partie recyclables. (2)
Prenons quelques exemples de ces nouvelles technologies qualifiées par les industriels de vertes ou renouvelables :
- les voitures électriques. Une voiture électrique pèse entre 1,6 tonnes et 2 tonnes, elle est constituée d’aluminium et d’acier pour la carlingue, de différents plastiques pour l’intérieur, et contient une batterie lithium-ion d’environ 500 kg. L’énergie électrique est produite en France essentiellement par le nucléaire, et l’essor des voitures électriques servira de justificatif pour construire de nouvelles centrales, et notamment de ruineux EPR. Chaque année 93 millions de voitures toutes catégories sont vendues dans le monde.
- les éoliennes. Pour construire une éolienne de 5MW, il faut 3 tonnes d’aluminium, 4,7 tonnes de cuivre, 335 tonnes d’acier, 1200 tonnes de béton et 2 tonnes de terres rares. La France a une capacité de 15.858 MW sur une capacité de production annuelle de 130.772 MW, mais l’énergie produite par l’éolien ne représente en réalité que 4,5% (24TWh sur un total de 529,4 TWh).
Enfin, de nombreux représentants des pseudo-élites professent un volontarisme et une fuite en avant technophile et parfois même sectaire, leur argumentation consistant à dire que tous les problèmes seront résolus par des innovations aussi futures qu’hypothétiques. Ce genre d’attitude relève de la pensée magique, un comble pour les promoteurs de la technologie.
La promotion des technologies «vertes» est bien utile : elle permet de continuer de produire, de consommer, d’acheter, de vendre, de produire de la richesse, des emplois, bref de ne rien changer, tout en faisant croire par des campagnes de propagande que la nature sera sauvée par ces mêmes actions. Ce discours, bien que très attrayant, est faux.
En réalité la production industrielle qui s’appuie sur la technologie est antinomique avec la préservation de ce qui reste d’espaces naturels, d’animaux et de végétaux sauvages. La technologie nécessite la création de machines. Les machines sont construites à partir de matériaux qu’il faut extraire du sol ou du sous-sol. Le sol doit être défriché, les fleuves doivent être domestiqués, les forêts primaires abattues pour recevoir les mégalopoles, les villes, les usines, les mines, les plantations intensives.
Ce cycle destructeur ne s’arrêtera qu’avec la fin de la civilisation industrielle.
- En outre la fabrication des LED nécessite des terres rares (indium, gallium), or les gisements exploitables et connus d’indium seront épuisés en 2025. M. Lokanc, R. Eggert, M. Redlinger, « The availability of indium : the present, medium term and long term« , NREL, octobre 2015.
- Voir les travaux de l’historien Jean-Baptiste Fressoz, notamment « L’Apocalypse Joyeuse, une histoire du risque technologique, éditions du Deuil, 2013.
- Le recyclage lui-même n’est pas neutre, puisqu’il nécessite de l’énergie, des investissements, des circuits de récupération, et soit des machines utilisant les dernières technologies les plus performantes